Interview de Guylène Thiébaud : Naturopathie animale & médecine chinoise

Bonjour Guylène, pouvez-vous nous parler de votre parcours et comment vous en êtes arrivée à vous spécialiser en naturopathie animale et médecine chinoise ?

Je m'appelle Guylène, j'ai 53 ans et j'ai un parcours assez atypique. Il s’est construit par étapes, au fil des expériences de vie, personnelles et professionnelles. J'ai d'abord été cadre RH en entreprise internationale, rapidement j'ai choisi de devenir consultante et formatrice indépendante. J'ai également eu une parenthèse de 8 ans, seule, sac à dos, à la découverte de pays lointains.

Je suis donc dans l’accompagnement depuis toujours. Je travaille actuellement auprès de personnes en réflexion sur leurs parcours de vie professionnelle. Accompagner, écouter, aider à comprendre et à traverser a toujours été le fil conducteur de mon travail.

En parallèle, j’ai moi-même traversé un parcours de santé complexe, qui m’a amenée très tôt à m’interroger sur la manière dont on prend soin : comment articuler l’allopathie et les approches complémentaires, comment tenir compte du corps, de l’émotionnel, de l’histoire personnelle, sans opposer les modèles. Ces questions ne sont pas théoriques pour moi, elles sont issues du vécu.

J’ai également toujours été sensible au vivant, à la nature, à l’alimentation, à la biologie. Même si cela n’a pas été mon orientation professionnelle initiale, cet intérêt a toujours été présent en arrière-plan.

L’arrivée de mon chien, Patxi, en 2019, atteint de nombreuses pathologies (épilepsie, puis MICI, hypothyroïdie et hypocorticisme), a marqué un tournant. Son état de santé m’a confrontée à des situations complexes, à des limites de prise en charge, et à la nécessité de comprendre autrement ce qui se jouait. Pour pouvoir l’accompagner au mieux, je me suis formée en naturopathie animale, en nutrition, puis en médecine traditionnelle chinoise, dans une démarche complémentaire à l’allopathie.

La médecine chinoise m’a particulièrement intéressée par sa vision globale, qui prend en compte les équilibres du corps, les émotions, l’environnement et les interactions entre l’animal et son gardien. Ce cheminement m’a également amenée à approfondir la compréhension du lien humain-animal, et à mener un travail d’introspection personnel.

Mon livre s’inscrit dans cette trajectoire. Il témoigne d’un parcours, de questionnements, et d’une transformation, autant dans la manière d’accompagner un animal malade que dans la façon de se comprendre soi-même. Aujourd’hui, je prépare un accompagnement de gardiens d’animaux avec une approche pédagogique, respectueuse et intégrative, en les aidant à mieux comprendre la santé de leur animal, sans jamais opposer les approches, mais en cherchant à les articuler.

Comment définiriez-vous la naturopathie animale et la médecine chinoise et quels en sont les principaux bénéfices pour le bien-être des animaux ?

La naturopathie animale et la médecine traditionnelle chinoise reposent sur des principes qui sont les mêmes pour les humains comme pour les animaux : ce sont des approches holistiques, qui considèrent le vivant comme unique, dans son corps, son environnement, son histoire et son équilibre global.

La naturopathie animale s’attache à soutenir les grandes fonctions de l’organisme à travers l’alimentation, la digestion, l’hygiène de vie, la gestion du stress et l’environnement de l’animal. Elle ne cherche pas à se substituer à l’allopathie, mais à la compléter, en travaillant sur la prévention, l’accompagnement des troubles chroniques et la recherche des causes sous-jacentes plutôt que sur la seule suppression des symptômes.

La médecine traditionnelle chinoise est avant tout un art de compréhension des déséquilibres. Elle repose sur l’observation fine du vivant et sur la lecture des interactions entre le corps, l’esprit et l’énergie. Elle permet de relier des manifestations physiques, émotionnelles et énergétiques, afin de mieux comprendre pourquoi un déséquilibre s’installe et comment accompagner l’animal vers un état plus stable et harmonieux.

Les bénéfices de ces approches résident dans une meilleure qualité de vie, une adaptation plus fine aux besoins spécifiques de chaque animal, et une vision individualisée de l’accompagnement. Il n’existe pas de solutions toutes faites : chaque animal est unique, et les réponses le sont aussi.

Ces pratiques s’inscrivent dans une démarche complémentaire à l’allopathie vétérinaire, avec pour objectif commun le bien-être, le confort et la prévention, dans le respect du vivant et de ses capacités d’adaptation.

Pouvez-vous partager une expérience marquante où la naturopathie animale a radicalement transformé la vie ou la santé d'un animal ?

Oui, il y a une expérience particulièrement marquante, celle de mon chien Patxi, qui a profondément influencé mon parcours.

Patxi souffre d’une épilepsie sévère, associée à d’autres pathologies. Sa prise en charge au départ reposait essentiellement sur des molécules antiépileptiques, indispensables mais lourdes, avec des effets secondaires importants sur sa qualité de vie. Malgré cela, les crises restaient difficiles à stabiliser.

Dans un second temps, et toujours en lien avec le suivi vétérinaire, j’ai intégré progressivement une approche naturopathique complémentaire, notamment via la gemmothérapie et la phytothérapie, associées à un travail très fin sur l’alimentation, le microbiote et la gestion du stress. Cette approche n’avait pas vocation à remplacer les traitements, mais à soutenir l’organisme dans sa globalité.

Les résultats ont été significatifs : Patxi a connu une période de répit d’environ 18 mois sans crise, ce qui, dans un contexte d’épilepsie évolutive, est considérable. Cette amélioration a permis, sous contrôle vétérinaire, d’alléger temporairement certaines molécules, tout en améliorant son confort de vie, sa vitalité et son équilibre général.

Par la suite, la maladie a évolué, comme c’est souvent le cas avec des pathologies chroniques. Il a fallu réajuster les solutions, revoir les équilibres, accepter que rien n’est figé. Cette expérience m’a appris une chose essentielle : la naturopathie animale n’est pas une réponse miracle, mais un accompagnement vivant, évolutif, qui s’adapte en permanence à l’animal et à sa pathologie, en complément étroit de l’allopathie. La Médecine Traditionnelle Chinoise, et notamment l'acupression, a permis à de nombreuses reprises d'éviter le déclenchement d'une crise.

Un autre exemple plus discret, mais tout aussi parlant, est celui de mon autre chien, Izac, aujourd’hui âgé de 12 ans. Grâce à une approche préventive associant plantes, compléments ciblés et une attention particulière à son hygiène de vie, il présente très peu de troubles articulaires sévères pour son âge. Là encore, il ne s’agit pas d’éviter le vieillissement, mais d’en accompagner les effets de manière plus douce et plus respectueuse.

Ces expériences m’ont confortée dans l’idée que chaque animal est unique, que les solutions doivent l’être aussi, et que c’est dans la complémentarité entre les approches que l’on obtient les meilleurs résultats, au service du bien-être et de la qualité de vie de l’animal.

Quels sont les principaux défis auxquels vous êtes confrontée dans l'intégration de ces pratiques traditionnelles avec les approches modernes de soins aux animaux ?

L’un des principaux défis consiste à créer des ponts entre des approches qui reposent sur des cadres de pensée différents, tout en veillant à ce que chacun reste à sa place, sans empiéter sur le rôle de l’autre.

Les pratiques traditionnelles comme la naturopathie animale ou la médecine traditionnelle chinoise s’inscrivent dans une vision globale et individualisée du vivant, tandis que la médecine vétérinaire moderne est structurée autour du diagnostic, de la preuve scientifique et de protocoles précis. Ces approches ne sont pas opposées, mais elles ne parlent pas toujours le même langage. Leur articulation demande donc beaucoup de clarté, de respect mutuel et de pédagogie.

Un enjeu essentiel est de rappeler que les approches complémentaires ne posent pas de diagnostic médical et ne remplacent pas le vétérinaire. Leur place est dans l’accompagnement, la prévention, le soutien du terrain et le suivi des problématiques chroniques, en lien avec un suivi vétérinaire lorsque cela est nécessaire. Cette frontière doit être clairement posée pour éviter toute confusion ou dérive.

Un autre défi important concerne les attentes des propriétaires. Il est nécessaire de faire comprendre que ces approches ne produisent pas de résultats immédiats en quelques jours, et qu’il n’existe pas de solution universelle. L’accompagnement demande du temps, de l’observation, parfois plusieurs ajustements avant de trouver ce qui convient réellement à l’animal. Cela suppose aussi une implication active et responsable du gardien.

Il y a également la question du coût, souvent sous-estimée. Travailler sur le long terme, avec des approches individualisées, implique un investissement financier, mais aussi du temps, de l’engagement et de la constance. Ce choix doit être assumé en conscience, sans attente de résultat rapide ou de solution miracle.

Enfin, le défi est aussi culturel et pédagogique : expliquer que l’on ne s’inscrit pas dans une logique d’opposition entre tradition et modernité, mais dans une coopération intelligente, au service du bien-être animal. Lorsque chacun connaît sa place, ses compétences et ses limites, les bénéfices pour l’animal sont réels et durables.

Comment les propriétaires d'animaux peuvent-ils s'assurer qu'ils choisissent des praticiens compétents en matière de naturopathie animale et de médecine chinoise ?

C’est une question essentielle, car le secteur n’est pas réglementé et demande donc une vigilance particulière de la part des propriétaires.

La première chose est de s’informer sur le parcours du praticien : ses formations, leur durée, leur sérieux, les enseignants ou écoles, ainsi que la manière dont il continue à se former. Un praticien compétent est capable d’expliquer clairement ce qu’il fait, ce qu’il ne fait pas, et les limites de son intervention.

Il est également important de vérifier que le praticien travaille dans une logique de complémentarité avec la médecine vétérinaire. Il doit refuser toute prise en charge d’urgence, ne jamais inciter à arrêter un traitement médical sans avis vétérinaire, et savoir orienter vers un vétérinaire lorsque la situation l’exige.

L’attitude du praticien est tout aussi révélatrice que son parcours. Un professionnel sérieux ne promet pas de guérison, ne propose pas de solution universelle, et prend le temps d’écouter, d’observer et d’individualiser son accompagnement. La transparence, l’humilité et l’éthique sont des critères essentiels.

Enfin, le ressenti du propriétaire a toute son importance. La relation doit être basée sur la confiance, le respect et la clarté. Un praticien qui met mal à l’aise, qui culpabilise ou qui impose des choix sans explication n’est pas un bon interlocuteur.

Choisir un praticien compétent, c’est avant tout choisir quelqu’un qui respecte le vivant, ses limites, et qui place réellement le bien-être de l’animal au centre de sa pratique.

Selon vous, comment envisagez-vous l'évolution de ces pratiques dans le domaine vétérinaire dans les années à venir ?

Je pense que ces pratiques vont continuer à évoluer, mais de manière progressive, structurée et surtout collaborative.

On observe déjà une demande croissante des propriétaires pour des approches plus globales, plus préventives et plus respectueuses du vivant, notamment face à l’augmentation des maladies chroniques, inflammatoires ou dégénératives chez les animaux. Cette évolution amène naturellement à repenser la complémentarité entre les soins conventionnels et les approches intégratives.

À mon sens, l’avenir ne réside pas dans une opposition entre médecine vétérinaire moderne et pratiques traditionnelles, mais dans une meilleure articulation des rôles, soutenue par de véritables partenariats. Les vétérinaires resteront les piliers du diagnostic, de l’urgence et du traitement médical, tandis que les approches complémentaires pourront intervenir dans la prévention, l’accompagnement du terrain, la qualité de vie et le suivi à long terme, toujours dans un cadre clairement défini.

Ces partenariats ne pourront se développer que sur la base de la confiance, de la rigueur et du respect des compétences de chacun. Cela implique des praticiens formés, transparents sur leurs limites, capables de dialoguer avec le monde vétérinaire et de travailler en relais plutôt qu’en concurrence.

Je pense également que ces pratiques gagneront en crédibilité à mesure qu’elles seront mieux encadrées, mieux expliquées et intégrées dans des parcours de soins cohérents. La formation continue, la pédagogie auprès des propriétaires et le dialogue interdisciplinaire seront des leviers essentiels.

Enfin, les propriétaires joueront un rôle clé dans cette évolution. De plus en plus impliqués et informés, ils seront moteurs de ces collaborations, en recherchant des accompagnements éthiques, responsables et inscrits dans la durée. Cette exigence contribuera à faire émerger des modèles de soins plus coopératifs, centrés avant tout sur le bien‑être et la qualité de vie des animaux.

Quel message souhaiteriez-vous transmettre à nos lecteurs qui pourraient être intéressés par la naturopathie animale et la médecine chinoise pour leurs compagnons à quatre pattes ?

J’aimerais avant tout inviter les lecteurs à aborder ces approches avec curiosité, discernement et responsabilité.

La naturopathie animale et la médecine traditionnelle chinoise ne sont ni des solutions miracles, ni des alternatives opposées à la médecine vétérinaire. Ce sont des approches complémentaires, qui peuvent apporter beaucoup lorsqu’elles sont bien encadrées, adaptées à l’animal et intégrées dans un parcours de soins cohérent.

Je les encourage à prendre le temps d’observer leur animal, d’écouter ce qu’il exprime à travers son comportement, son énergie, ses fragilités. Chaque animal est unique, et mérite une réponse individualisée, respectueuse de son histoire, de son âge et de son environnement.

Il est aussi important d’accepter que le soin est parfois un chemin, et non un résultat immédiat. Accompagner un animal, c’est s’inscrire dans la durée, faire des ajustements, rester humble face au vivant et accepter que tout ne soit pas toujours maîtrisable.

Enfin, je dirais que le plus beau point de départ reste la relation. Une relation faite d’attention, de présence, de respect et de cohérence. C’est souvent là que commencent les véritables transformations, pour l’animal comme pour son gardien.

Pour en savoir plus : https://patqi.com

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